Autismes aujourd’hui


En 2012, année dédiée à l’autisme, l’Entraide Universitaire a organisé un colloque le 13 décembre à la Mairie du 18ème arrondissement de Paris.

Hors des polémiques récentes, les enfants et les adultes autistes attendent que les prises en charge progressent par des recherches sans exclusive. L’exigence légitime d’une évaluation implique de prendre en compte la complexité de sa mise en œuvre. Les contours du débat étant ainsi définis, les différents intervenants ont pu témoigner du poids du passé, des questions que suscitent recherches récentes ou nouvelles techniques mais aussi du vécu des accompagnants qui tentent d’aider les personnes à se construire, des familles aux espoirs et à la confiance ébranlés.

Le docteur Denys RIBAS a rappelé les différentes étapes historiques de la prise en compte des troubles qualifiés d’autisme et les leçons à en extraire. Au poids de l’obscure théorie de la dégénérescence du XIXème siècle et à l’eugénisme du XXème avec ses législations sur la stérilisation, se sont opposés les travaux de Désiré Magloire Bourneville sur le soin et les premières classes spéciales, de Léo Kanner avec les critères des troubles de la relation, de Hans Asperger et la « pédagogie curative », d’Eric Schopler sur le profil psycho-éducatif révisé et la collaboration parents-professionnels dans les programmes éducatifs, une évolution qui a en permanence généré des conflits de professionnels et des positions contradictoires dans le diagnostic : les « anciens » et les « modernes », le soin et l’éducatif.

La Charte des Droits de l’Enfant érige désormais le soin, l’éducation et la scolarisation en droits, bases prises en compte dans l’accompagnement des enfants autistes.

Soigner, éduquer, instruire : le traitement précoce et intensif pratiqué en hôpital de jour a l’Entraide Universitaire vise à rétablir la construction psychique de l’enfant, son rapport à ceux de son âge. Il est pluridisciplinaire en lien avec le CAMSP et inclut une scolarisation partielle en milieu ordinaire, complétée en interne par un enseignement spécialisé.

Les recherches se poursuivent dans un souci de mise en commun des compétences convergeant sur un point essentiel : comment favoriser une authentique entrée dans la symbolisation.

Philippe DUBAN, directeur de l’association Turbulences en a présenté l’activité : un axe culturel et artistique favorisant une socialisation par un travail sur la voix et le spectacle, travail de temps. La scène, espace sécurisant, repère stable, mélange professionnels du spectacle et autistes là où l’extravagance est autorisée, confronte les genres, les classes, les cultures et valorise les acteurs.

Hélène SUAREZ-LABAT, docteur en psychologie clinique, s’est attachée, sous la direction du Pr Bernard GOLSE à la construction des espaces psychique des enfants autistes au cours de leur dégagement progressif de cet état, et ce grâce à l’utilisation de méthodes projectives. Il s’agit d’identifier, de retracer les destins identificatoires qui font que l’enfant « devient quelqu’un » dans un espace commun avec ses parents, sa famille et les autres. L’analyse pertinente des tests cognitifs et projectifs permet de souligner les processus de changement et l’interaction entre perception et projection, restitution réalisée à partir d’une forme de tissage des affects et des émotions. Les exemples d’enfants et adolescents suivis au long cours, en association à des traitements complémentaires, caractérisent les 4 temps qui se dégagent dans la cure psychanalytique : au début la construction du cadre, puis la construction des espaces, ensuite les identifications, les symbolisations, enfin le projet identificatoire : « devenir quelqu’un ».

Jean Marie VIDAL, chercheur en Sémiologie Clinique a mis l’accent sur le « partage symbolique » et la mise en place d’une triangulation (la tiercéité), qui fait défaut à la personne autiste, non pas d’un point de vue qualitatif mais quantitatif. La pierre d’achoppement des méthodes de prise en charge est encore constituée par le trouble envahissant du développement qui interroge sur le mode constitutif de ce « partage symbolique ».

Catherine SAINT GEORGES CHAUMET, pédopsychiatre a exposé ses recherches effectuées en lien avec l’équipe de Pise sur le fonctionnement précoce des bébés autistes au travers de films familiaux où la synchronie parents-bébé est mise en évidence. Il apparaît que les parents sollicitent plus intensément les bébés à tendance autistique très tôt, ceux-ci présentant un manque d’intérêt pour leur environnement. L’étude porte également sur le mamanais dont l’incidence sur l’intérêt et l’interaction du bébé autiste manifeste l’impact affectif de ces vocalisations dans l’engagement t relationnel puis le développement cognitif (attention, langage). Cette étude permet d’apporter des points d’attention lors du dépistage précoce notamment l’hyperstimulation instinctive prodiguée par les parents.

Anna SPITZ, directrice du CMPP de Montgeron et de l’IMP Dysphasia et Pierre ARPINO, directeur de l’IME Au Fil de l’Autre ont étudié l’évolution législative et réglementaire liée à la rpise en charge des personnes autistes, sachant que la définition même du l’autisme au niveau administratif n’est pas clairement délimitée. Il reste que les établissements sanitaires et médico-sociaux sont tenus d’appliquer avec discernement la réglementation en vigueur et les recommandations dans un champ d’activité très évolutif.

Blanche Marie LERMOYEZ, maman d’un jeune autiste, est venue témoigner de son expérience depuis 15ans entre espoirs et stagnations, batailles et réussites, affrontement de savoirs dogmatiques mais aussi intuitions diffuses et productives, découvertes scientifiques offrant de nouvelles clefs. La confrontation des approches ne doit pas être exclusive mais permettre une évolution des pratiques et leur évaluation de manière à favoriser le développement de la personne autiste en tant que sujet et non comme objet. Un véritable travail de communication semble nécessaire pour éviter la stigmatisation et faciliter la complémentarité de la prise en charge des autismes en incluant les familles.

Soigner, éduquer, instruire et évaluer constituent dans ce domaine la ligne maîtresse du travail à l’Entraide Universitaire.